Depuis quelques semaines, je partage avec vous différentes réflexions et idées pour envisager comment faire évoluer le monde dans lequel nous vivons en tenant compte des conséquences de la pandémie et surtout des leçons tirées de cette période inédite.
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Mais au fil des réflexions, je me suis rendu compte qu’il était important également de définir quels seraient les acteurs les plus adaptés pour engager ce changement.
Je vais donc m’attarder aujourd’hui sur le rôle concret que peuvent jouer les entreprises pour engager le changement nécessaire.
En cela deux axes peuvent être envisagés :
Au travers du métier et du quotidien de l’entreprise y compris sa stratégie de développement,
Au travers de l’influence que peut avoir l’entreprise sur son entourage, son environnement,
Je vais donc analyser ces deux éléments. Beaucoup de théories, concepts et idées existent déjà (et son proposés par Pacific Ventury pour permettre aux entreprises de les mettre en oeuvre). Cependant, à la lumière de la crise actuelle, ces éléments prennent un sens nouveau et surtout une force nouvelle qui justifient de ré-insister dessus.
1. Redéfinir l’oblique de l’entreprise et gagner en flexibilité
Voilà un titre bien obscur ! De quoi parle-t-on lorsque l’on envisage «l’oblique de l’entreprise»? Cette expression vient du terme «obliquité», élaboré par l’économiste John Kay. Terme mathématique initialement, il a été repris par cet auteur pour décrire une méthode stratégique simple, connue, mais pourtant peu appliquée par les entreprises. En tout état de cause, peu appliquée par les entreprises qui ont dépassé le stade «entrepreneurial» pour passer au stade de «rent(e-a)bilité» et gestion managériale.
L’obliquité se définit comme le fait de poursuivre un objectif de façon indirecte, ou de l’envisager sous une approche de long terme. C’est ainsi qu’une entreprise oblique privilégiera sa mission initiale, la raison d’être de son existence, pour générer de la profitabilité au lieu de se focaliser sur la recherche de profit au risque de perdre de vue sa mission première.
C’est ainsi qu’une entreprise oblique privilégiera sa mission initiale, la raison d’être de son existence, pour générer de la profitabilité au lieu de se focaliser sur la recherche de profit au risque de perdre de vue sa mission première.
a. Retrouver le sens de sa mission
Toute entreprise naît d’une mission : résoudre un problème, proposer une nouvelle façon de faire, innover, servir… L’idée de base relève de l’envie des fondateurs de réaliser quelque chose, bien souvent une passion, à défaut une envie, et, par la même occasion, générer du profit pour non seulement maintenir la continuité de cette mission mais également de pouvoir en vivre et se développer.
Cette mission est le pourquoi, la cause initiale de l’existence de l’entreprise. Sa profitabilité en est une conséquence lorsque la mise en œuvre de la mission est faite de façon réussie.
Si l’entreprise attire de la clientèle c’est parce que cette clientèle identifie la mission de l’entreprise comme répondant à un besoin. En complément, les valeurs de l’entreprise viennent donner écho aux valeurs du client. Ceci est encore plus vrai aujourd’hui avec la génération des « millenial », réputée pour faire très attention aux valeurs des entreprises avec qui elle interagit.
C’est dans ce cadre que l’entreprise Apple est souvent citée, notamment dans l’ouvrage célèbre de Simon Sinek : «Start with why».
Mais il arrive bien souvent que sur la voie de son développement, l’entreprise se structure, grandit, grossit et voit ses charges se démultiplier. Responsable de ses salariés, responsable vis-à-vis de ses investisseurs, l’entreprise doit alors principalement assurer son retour sur investissement pour couvrir ses charges (dont les salaires) et rendre à ses investisseurs. Et c’est à cette occasion qu’elle tend souvent à s’écarter de sa mission première. Cela a été le cas de nombreuses entreprises : Apple, Amazon, McDonalds…
Cette redirection de l’entreprise est compréhensible mais constitue une vision court-termiste que les économistes dont John Kay considèrent comme peu opportune. Car, en effet, bien souvent, la recherche d’efficacité est demandée à très court terme : les dirigeants de l’entreprise se retrouvent encadrés dans des objectifs de chiffres trimestriels. Or il est évident qu’aucune stratégie, aucune innovation ne peut se produire et produire du résultat sur un calendrier trimestriel. Donc faute de visibilité à court terme, les projets de développements « aventureux » (donc innovants) sont mis de côté pour garantir la rentabilité et satisfaire les investisseurs.
Cette approche a un autre aspect négatif : la recherche de rentabilité rapide et de maintien du ROI va souvent justifier de couper les dépenses dans des postes qui, à long terme, se révèlent bien plus coûteux. C’est ainsi que l’impact du challenge climatique se chiffre aujourd’hui à plusieurs trillions de dollars pour les entreprises en : maladies professionnelles, évènements catastrophiques, crises économiques, manques de ressources et coût croissant de la ressource…
C’est ainsi que l’impact du challenge climatique se chiffre aujourd’hui à plusieurs trillions de dollars pour les entreprises en : maladies professionnelles, évènements catastrophiques, crises économiques, manques de ressources et coût croissant de la ressource…
Ceci en parti dû au fait que de nombreuses entreprises, bien qu’au courant de l’impact de la pollution générée par leurs processus de production, on préférer limiter les coûts de protection pour améliorer la profitabilité à court terme.
Et c’est là qu’est intervenue la crise du Covid-19 : en stoppant net l’économie (pourtant lancée sur une dynamique positive importante depuis un certain temps, le fameux « bull market »), a fait prendre conscience aux entreprises que la recherche de profitabilité à court terme, en temps de changements existentiels comme ceux que nous commençons à vivre, n’est plus tenable.
Les objectifs de chiffres à court terme perdent leur légitimité, le soutien aux charges devient impossible et la réorganisation de l’entreprise est rendue difficile par une structure qui s’est rigidifiée au fil de l’eau pour garantir les coûts au minimum.
Or, une entreprise oblique est une entreprise qui se focalisera d’abord sur sa mission plus que sur sa structuration. L’objectif étant en effet de s’assurer que l’objectif de long terme (quel qu’il soit) sera servi efficacement. C’est une entreprise qui privilégiera des structures d’organisations souples et qui continuera de façon habituelle à innover.
En effet, quand vous êtes focalisé sur la recherche de rentabilité, vous vous focalisez sur ce qui existe et vous travaillez le marché de façon à le convaincre de continuer à utiliser ce qui existe pour tirer le maximum de revenus de ce qui est structuré : la chaîne de management tend donc à optimiser l’existant. Mais, quand vous êtes focalisés sur l’accomplissement de votre mission, la façon de servir cette mission va évoluer avec le temps : nouveaux outils, nouvelles technologies, nouveaux marchés… Dès lors il conviendra en permanence de favoriser une organisation adaptable pour se réorienter au fil de l’eau.
Mais en faisant cela, on s’assure plus efficacement de la fidélité des clients qui voient que l’entreprise cherche à maintenir l’accès à un besoin ou une solution identifiée, on assure le maintien de la créativité et on dispose d’une structure suffisamment flexible pour être adaptée. C’est ainsi qu’une entreprise comme Valve, qui produit des jeux vidéos, ne dispose d’aucune hiérarchie et les employés s’organisent en fonction du projet pour garantir le maintien d’une grande créativité. De même chez W.L. Gore qui produit énormément de produits différents dont notamment le Gore Tex et qui doit sa solidité à sa capacité à innover, cœur de mission de l’entreprise définie ainsi : «notre engagement pour l’innovation définit tout ce que nous faisons». De même pour la société Red Hat, récemment rachetée par IBM.
Lorsqu’une entreprise se focalise sur sa mission, et envisage donc sa réussite de façon oblique, elle s’adapte à la réalité. Lorsqu’une entreprise se focalise sur sa réussite immédiate ou sur le maintien de son marché, elle cherche à adapter la réalité à sa situation. Or en temps de crise comme celle que nous vivons à l’heure actuelle, cela veut dire que l’entreprise cherchera à maintenir la couverture de ses charges, l’activité de son personnel… ce qui deviendra très difficile et nécessitera le soutien des décideurs publics qui, soucieux d’éviter un chômage de masse ou une économie encore plus endommagée, mettront la main à la pâte pour aider.
C’est ainsi que l’on arrive au fameux concept des « too big to fail », ces structures organisationnelles énormes qui, si elles font faillite, amèneront avec elle tout un pan de l’économie. C’est ce qui s’est passé en 2008 pendant la grande crise financière qui a nécessité l’utilisation de fonds publics pour sauver (sans conditions) les grands établissements bancaires et financiers.
Alors bien sûr, il convient ici d’être réaliste: certaines entreprises ont une infrastructure massive qui ne peut se soutenir d’elle-même en cas de crise telle que celle que nous vivons actuellement. D’autres sont des entreprises que l’on peut qualifier « d’administration » à savoir que leur mission est définie plus par le rôle d’infrastructure qu’elles jouent pour la société. Dans ce cadre, celles-ci sont principalement focalisées sur la gestion efficace de leur service. Ces entreprises sont un peu à part quant à cette analyse. Mais en tout état de cause, aucune entreprise ne peut soutenir une absence totale d’activité. Et dès lors, le soutien des institutions est nécessaire car l’économie est faite d’un ensemble d’intrications qui nécessitent l’implication publique. Mais il sera facile de voir la différence entre les entreprises obliques et les autres.
Ainsi, des entreprises comme Gravity Payment, menée par le désormais célèbre Dan Price, ont trouvé un moyen de s’adapter : le PDG a décidé de supprimer son salaire et des réaménagements du travail ont permis de maintenir un maximum la structure de l’entreprise et les salaires sans faire appel aux aides du gouvernement américain. De son côté, Air New Zealand, qui a bénéficié d’une aide du gouvernement néo-zélandais, a fait en sorte également de réduire la paie de ses dirigeants et de ré-organiser son personnel de façon à éviter trop de pertes sèches. En Polynésie, l’entreprise Moana Adventure Tours a également décidé de supprimer le salaire de son dirigeant et de profiter de cette absence totale d’activité (le tourisme étant au point mort dans les îles polynésiennes) pour former ses personnels : nouveaux tours, sensibilisation à des évolutions potentielles du marché… Ces trois entreprises ont pris les devants de l’adaptation avant d’attendre une aide quelconque.
Il y a donc une nette différence entre des entreprises qui se focalisent sur leur mission et sont capables de rapidement s’adapter, à celles focalisées sur la profitabilité qui se contenteront d’attendre l’aide publique avant d’agir.
Dans une époque où l’on sait avec une quasi-certitude que nous allons connaître de plus en plus d’évènements majeurs, est-on en mesure de retomber toujours sur la même mécanique des « too big to fail »
Dans une époque où l’on sait avec une quasi-certitude que nous allons connaître de plus en plus d’évènements majeurs, est-on en mesure de retomber toujours sur la même mécanique des « too big to fail » issus non pas d’une stratégie dédiée à l’accomplissement d’une mission (W.L. Gore, bien que mondialement connue n’est pas considérée comme « too big to fail ») mais de la recherche d’une profitabilité directe?
Car, au final, les entreprises à mission sont des entreprises intégrées et impliquées dans leurs communautés. Puisqu’elles cherchent à répondre à des besoins spécifiques ou à proposer de nouvelles façons de faire, elles s’intéressent à ce qu’il se passe dans leur environnement et ne fonctionnent pas en vase clos. Elles comprennent dès lors l’impact qu’elles peuvent avoir, direct, indirect, court terme et long terme, et ne considèrent pas ces impacts comme étant de simples « externalités » mais bien des éléments à prendre en compte dans leur stratégie.
b. Développer la mutualisation et l’antifragilité
Dans ce cadre, il apparaît aujourd’hui, à la lumière de la crise que nous traversons tous, que les entreprises se doivent de plus en plus de développer leur antifragilité. Ce concept, développé par le philosophe Nassim Nicholas Taleb peut se rapprocher du concept de résilience.
L’antifragilité est la capacité à se renforcer au fil des chocs, des cassures, des crises. Une entreprise fragile est une entreprise qui s’arrêtera à la moindre crise. Une entreprise antifragile est une entreprise qui saura se nourrir des incertitudes, des difficultés et trouvera le moyen de se réorganiser, de se réinventer au fil des crises.
En cela, il apparaît clair que les entreprises de taille majeure sont plus fragiles (« too big to fail ») car elles doivent justement, comme évoqué plus haut, gérer d’importantes charges qui deviennent un poids lourd pendant les situations de crise.
Dans ce cadre, il convient de réfléchir profondément à la façon de structurer les entreprises. En effet, la tradition a été jusqu’à présent d’intégrer, au fil de la croissance, l’ensemble des métiers supports et annexes à l’entreprise. En internalisant l’ensemble, l’entreprise se structure et développe ses processus de travail de façon à, en principe, gagner en efficacité et gagner du temps.
Malheureusement, bien souvent, cela créé également beaucoup de procédures et génère une administration importante (formulaires, autorisations…).
La question à se poser aujourd’hui est bien de savoir si cette logique de fonctionnement correspond au contexte nouveau dans lequel nous nous trouvons tous. En effet, il serait possible d’envisager le développement d’une nouvelle logique favorisant l’externalisation et l’horizontalité des entreprises qui, focalisées sur leurs missions premières et leur cœur de métier, travailleraient de façon mutualisées les unes avec les autres.
Ce système permettrait non seulement, en cas de crise, de limiter le poids des charges internes à l’entreprise mais en plus de favoriser et de soutenir les initiatives entrepreneuriales diverses.
Comme évoqué juste avant, toutes les entreprises jouent un rôle dans leurs communautés. L’un de ces rôles est de soutenir l’économie locale. Cela se fait bien sûr de façon directe : création d’emplois, investissements, taxes payées. Mais cela peut également se faire de façon indirecte dont le soutien aux autres entreprises en évitant de chercher à tout concentrer pour maximiser son organisation et prendre le contrôle de son marché.
Car quand une entreprise contrôle son marché et à une tendance à verticaliser l’ensemble de son activité, elle prend un avantage incontrôlable sur l’équilibre économique et va chercher à maximiser son profit sans mesurer l’impact que cela a sur l’ensemble des autres acteurs économiques. Cela pouvant mener à la sortie de capitaux vers d’autres investissements non localisés mais plus profitables pour l’entreprise ou ses dirigeants.
Or, en temps de crise, si l’environnement économique d’une entreprise ne va pas bien, il est évident que l’entreprise en elle-même n’ira pas bien à terme. Il est donc plus profitable et plus antifragile, compte tenu de l’époque dans laquelle nous vivons, de développer une approche horizontale plus que verticale.
Il est donc plus profitable et plus antifragile, compte tenu de l’époque dans laquelle nous vivons, de développer une approche horizontale plus que verticale.
Pour expliquer cela de façon métaphorique : si vous êtes dans l’eau en vous tenant droite et qu’une vague arrive, celle-ci aura tendance à vous submerger sauf si vos jambes se secouent fortement pour vous maintenir à la surface. Si vous faites la planche et vous mettez à l’horizontal, vous augmentez votre flottabilité en faisant moins d’efforts. Vos cheveux seront mouillés mais au final vous ne boirez pas la tasse…
L’horizontalité est un élément clé d’un monde de plus en plus impacté par l’incertitude et les changements rapides. En favorisant cette approche, on donne à chaque entité la possibilité de multiplier les sources de revenus, on fait circuler les capitaux efficacement et on développe une diversité de sources d’investissements qui, bien que moins important en termes de montants, pourraient justement être plus facilement réalisables en temps de disette.
Encore une fois, cela plaide pour donner aux entreprises la possibilité de se recentrer, pour la plupart d’entre elles, sur la mission qui les a fait naître, et de s’impliquer de façon plus active dans leurs communautés envers qui elles ont une réelle responsabilité.
2. Impacter sa communauté
Depuis plusieurs années, le terme de «Responsabilité Sociétale des Entreprises» (RSE) s’est inséré dans les stratégies d’entreprises. L’idée étant de faire prendre conscience aux entreprises de leur rôle au sein de la société et de les engager, au travers de différents outils juridiques, à réaliser des actions concrètes en ce sens.
Mais la RSE n’est pas que du soutien aux associations ou des actions pour l’environnement. L’entreprise est responsable au quotidien et à un rôle quotidien à jouer dans la vie de la communauté dans laquelle elle est intégrée. Et cela est encore plus vrai dans ce monde post-Covid-19.
a. Faire renaître la motivation
En 2013, une étude de l’institut américain Gallup a jeté un pavé dans la mare en publiant des chiffres démontrant que plus des 3 quarts des employés dans le monde ne travaillaient que du fait de la nécessité de gagner un salaire à la fin du mois. Cette étude démontrait le manque de soins apporté par les entreprises à l’épanouissement individuel et à la création d’une motivation réelle et profonde.
Pourtant, les nombreuses recherches réalisées par les psychologues ont démontré à maintes reprises qu’un employé motivé, épanoui et donc engagé dans son travail produisait plus, mieux et était moins prompt aux erreurs, fautes et manquements.
Pourtant, les nombreuses recherches réalisées par les psychologues ont démontré à maintes reprises qu’un employé motivé, épanoui et donc engagé dans son travail produisait plus, mieux et était moins prompt aux erreurs, fautes et manquements. Un fait qui paraît logique à tout le monde mais qui commence à peine à intégrer le monde des organisations professionnelles.
Un employé passe un tiers de son temps minimum (sur une journée de 24h) au travail. La moitié si l’on déduit le temps de sommeil. Dès lors, l’ensemble des actions, situations, expériences vécues au sein du travail vont nécessairement influencer l’individu au quotidien.
Or depuis plusieurs mois maintenant, les institutions publiques nous engagent à respecter un certain nombre de nouvelles attitudes, de nouvelles actions pour s’adapter à la situation pandémique que nous vivons. Pendant le confinement il a été relativement aisé de respecter ces consignes, fortement contrôlées par les autorités.
Mais alors que le déconfinement se met en place, les employés retournent au travail tout en devant, en théorie, respecter ces mêmes consignes. On peut imaginer qu’une personne qui compte parmi les 3 quarts mentionnés précédemment, passée l’éventuelle « euphorie » des retrouvailles après plusieurs semaines de confinement, retombera dans sa routine et dans ce « syndrome du somnambule » qui nous pousse à faire les choses de façon répétitive sans chercher à faire véritablement attention, l’objectif étant toujours d’atteindre le plus rapidement possible la fin de la journée.
Dans cette situation, il est fort à parier que nombreux seront ceux qui vont, petit à petit, retrouver une routine d’avant : sans le port du masque, sans la distanciation physique… Et c’est là que risque de démarrer la fameuse «seconde vagu ».
De la même façon que les employeurs doivent aplatir la courbe de la démotivation et éviter que près de 8 employés sur 10 ne soient pas intéressés par leur travail, ils doivent également aplatir la courbe du risque sanitaire.
De la même façon que les employeurs doivent aplatir la courbe de la démotivation et éviter que près de 8 employés sur 10 ne soient pas intéressés par leur travail, ils doivent également aplatir la courbe du risque sanitaire.
Les employés doivent adopter les gestes barrières au travail et l’employeur doit être proactif à ce niveau. Il en va également du retour des clients qui attendent d’être dans un environnement sain. Cela veut dire donner le matériel nécessaire, organiser l’espace en conséquence mais aussi s’assurer que chacun est en état, physique et mental, de bien réaliser son travail. Une responsable administrative me disait récemment que «si on envisage le travail à domicile, cela veut dire être disponible 7 jours sur 7 et en permanence». Une vision terrible d’un travail qui envahit la vie personnelle et ne laisse plus de place à la créativité et au temps nécessaire pour le bien être psychologique de chaque individu. Comme si le fait de ne plus avoir à se déplacer nous rendait prisonniers de notre lieu de travail devenu notre domicile ou l’inverse, dans un mélange des genres d’un autre siècle.
De façon générale, l’employeur à un rôle majeur pour garantir des conditions de travail agréable et engageante. Avec l’augmentation à prévoir du nombre de personnes qui continueront à travailler à domicile, il importe de maintenir le lien social et de garantir ce sentiment d’appartenance cher aux humains. Sentiment qui constitue un élément clé d’une stratégie de (re)motivation réelle et durable.
En effet, le monde, la société, les entreprises post-Covid seront celles qui sauront mettre en place des stratégies et des actions qui font appel aux fondamentaux élémentaires de la motivation plutôt que de se focaliser uniquement sur l’aspect procédural des choses. Ainsi, elles sauront valoriser et garantir que leur stratégie génèrera :
Du respect : respecter la dignité de salariés en ne mettant pas leur santé en jeu (ni en balance égale avec la rentabilité de l’entreprise pour la satisfaction des actionnaires uniquement), en sachant prendre les mesures nécessaires pour garantir une continuité du travail efficace et saine,
De la reconnaissance : en reconnaissant les besoins de chacun. Nous savons aujourd’hui, car nous avons été forcés à l’expérimenter, que certaines personnes travailleront mieux à domicile. Pourquoi, dès lors, ne pas donner plus de flexibilité aux méthodes de travail ? Pourquoi ne pas reconnaître l’esprit d’initiative des employés qui se sont engagés dans du bénévolat pendant la crise et construire une démarche d’entreprise sur ce point ?
De l’appartenance : parce qu’en ces temps difficiles, le développement de la résilience se fera notamment en donnant de l’importance aux relations individuelles. Les entreprises sont des lieux de vie (professionnelle) qui doivent dès lors être un espace accueillant où l’on développe des relations sociales intenses et engageantes. A l’heure où nous allons devoir revoir l’organisation des espaces de travail, pourquoi ne pas en profiter pour tout réorganiser en tenant compte de la santé physique ET mentale des employés ?
De la confiance : donner de l’autonomie, relâcher le contrôle et faire confiance. Les entreprises ont pu voir comment se comportaient leurs employés alors même qu’ils devaient s’occuper des enfants et qu’ils n’avaient pas beaucoup de moyens pour évacuer la pression et se faire plaisir. Pourtant, pour la plupart d’entre eux, le travail a été fait, parfois encore mieux malgré les conditions (stress, anxiété de la pandémie…), et tout le monde a été prêt à s’adapter. Pourquoi faudrait-il encore plus de preuves qu’il n’est pas besoin de poursuivre tout le monde en permanence pour les forcer à travailler ?
Du sens : La notion de « travail essentiel » a été profondément chamboulée ces derniers temps. Il est désormais possible de prouver à ceux qui pensaient ne pas être importants qu’ils jouent un rôle fondamental dans nos communautés. Quelle meilleure façon d’insister sur le sens de l’engagement professionnel et d’aider chacun à se lever le matin en se disant qu’il, elle participe à une mission plus importante que la simple exécution de tâches routinières ! Le discours des entreprises doit s’adapter en cela et assurer une approche beaucoup plus large que la simple exigence d’un devoir contractuel. Le narratif organisationnel doit être repensé, adapté et inspirer plus qu’obliger.
De la croissance personnelle : le monde est en train de changer. L’automatisation va sûrement gagner du terrain dans les évolutions post-Covid19, beaucoup de métiers vont évoluer. Il n’est pas possible de maintenir chaque employé dans sa situation sans trouver le moyen de créer de nouvelles opportunités. Face à l’incertitude du futur, aider chacun à développer de nouvelles compétences, de nouvelles capacités, c’est multiplier les sources d’opportunité et diluer la peur de demain dans l’océan des possibles. Parce que les employés passent plus de la moitié de leur temps au travail, il est important que ce temps soit utilisé pour aider chacun à progresser en tant qu’individu afin de ne pas se sentir laissé pour compte dans les changements à venir.
On le voit, l’employeur peut jouer un rôle moteur dans la transition sociétale à venir mais aussi pour le bien-être quotidien de ses employés. Il ne s’agit pas de le faire par bonté d’âme (si c’est le cas c’est un plus cela dit) mais bien parce qu’il a été démontré de nombreuses fois que cela avait un impact évident sur le futur de l’entreprise. Des employés qui sont motivés, qui se sentent respectés, écoutés et à qui leur est donné l’espace nécessaire pour grandir et imaginer, ce sont des employés qui travaillent mieux, qui sont plus créatifs et qui sauront accepter les adaptations nécessaires en temps de crise.
Si les Google, Apple, Facebook…. Proposent des espaces de loisirs et de détente dans leurs locaux, si Amazon a plus de 3500 chiens dans ses bureaux chaque jour qui viennent au travail avec les employés, si A.L. Gore ne donne à personne un titre hiérarchique, si 3M laisse à ses employés 20% de leur temps de travail pour se focaliser sur un projet personnel, ce n’est pas par bonté d’âme. C’est parce que ces mesures sont les éléments clés pour faire que chaque employé vienne au travail avec plus de cœur et de gaieté et soit dès lors en mesure de donner le meilleur d’eux-mêmes.
C’est parce que ces mesures sont les éléments clés pour faire que chaque employé vienne au travail avec plus de cœur et de gaieté et soit dès lors en mesure de donner le meilleur d’eux-mêmes.
Le management par la peur et l’épuisement a vécu. Nous venons de vivre plusieurs mois épuisants à être dans la peur d’une menace invisible. Cette même peur que certains ressentent quand ils ne savent pas de quoi demain sera fait, cette peur ressentie lorsqu’ils ne savent pas à qui faire confiance ou qu’ils ne se sentent pas écoutés, reconnus, épanouis au travail… Déjà trop de peur et le Covid-19 n’a fait qu’ajouter de l’huile sur le feu.
Alors que beaucoup appellent à de nombreux changements et à des mises à jour de nos logiciels sociétaux, il est temps de faire du lieu de travail un lieu d’espoir et non un réservoir de peurs au seul bénéfice de quelques-uns.
Alors que beaucoup appellent à de nombreux changements et à des mises à jour de nos logiciels sociétaux, il est temps de faire du lieu de travail un lieu d’espoir et non un réservoir de peurs au seul bénéfice de quelques-uns.
b. Gérer l’information
Et puisque nous parlons de peur, il est intéressant de se focaliser sur un dernier point, un dernier rôle que peuvent jouer les entreprises au bénéfice de leur communauté.
Une récente étude a en effet démontré que parmi toutes les sources d’informations auxquelles un individu pouvait avoir accès, l’employeur était considéré comme la source la plus fiable de toutes. En définitive, l’employeur, parce qu’il a la confiance du salarié pour l’accompagner pendant la moitié de son temps, devient une « autorité » crédible en matière d’information.
A l’heure où les « fake news » et autres « infox » ruinent les réseaux sociaux et attisent les instincts les plus basiques de chacun d’entre nous, il est une lueur d’espoir : la moitié de leurs temps, les individus sont au sein de la source d’information qu’ils considèrent la plus fiable.
Il est donc fondamental que les entreprises jouent ce rôle de façon proactive et efficace. Et dès lors, il convient de ne plus se limiter à ne parler que du « travail » ou de ne diffuser que des informations relatives à la vie de l’entreprise, mais bien de donner aux employés un espace nécessaire pour bien s’informer et pour obtenir des renseignements clairs, vérifiés, légitimes qu’ils ramèneront chez eux. Créant ainsi un cycle vertueux et une chaîne d’information pertinente. A l’image de ce qui a pu être fait en matière de recyclage des déchets à l’école ou, à force d’information, d’ateliers et d’événements sur le sujet dans les établissements scolaires, les enfants ont ramené de bonnes habitudes à la maison qui ont influencé leurs parents.
Beaucoup d’entreprises ont déjà des « newsletters » ou autres moyens d’information internes. Mais cela est bien souvent limité à la vie de l’entreprise. En ces temps où l’information influence nos comportements (respect ou non des gestes barrières par exemple selon que l’on est bien informé ou pas sur l’épidémie) et donc la vie des entreprises (clients méfiants ou pas, salariés qui vont exercer leur droit de réserve, se mettre en congés maladie par peur de la contagion…) il est important que les entreprises diffusent efficacement les informations.
L’employeur a un rôle important à jouer pour travailler, de concert avec les institutions publiques ou les médias, les entreprises de conseil, à diffuser une information efficace, vérifiée et compréhensible à ses employés. Elle doit également faire en sorte de s’assurer de développer l’esprit critique et d’analyse de ses employés.
Là encore il n’y va pas d’une action philanthrope mais bien de tirer parti de ce rôle et engageant l’esprit rationnel des employés qui est également source de créativité et d’innovation. L’esprit critique se repose principalement sur le questionnement, qui est à la base de l’inventivité et de la créativité.
De plus, un individu qui a une compréhension claire du monde dans lequel il vit sera plus à même de faire des propositions pertinentes pour son employeur. Alors qu’un salarié baignant dans les théories du complot ou autre information déformée viendra travailler avec une vision du monde déformée qui sera souvent source de méfiance, y compris vis-à-vis de l’employeur, de peur et donc de stress, de conflits…. Y compris sur le lieu du travail.
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La crise actuelle du Covid-19 aura permis à chacun de se rendre compte à quel point nous sommes tous interdépendants. Et quand je dis « nous » ce ne sont pas seulement les individus mais également les organisations privées, publiques, à but lucratif ou non. Nos sociétés ne sont faites que de lien entre tout acteur qui les composent et plus l’on entretien ces liens et que l’on prend la mesure de nos responsabilités à entretenir ces liens plus on est en mesure de développer des relations saines, tournées vers le futur, positives et engagées. Et, dans ce cadre, les entreprises ont tout à y gagner sur le long terme.
Pour obtenir une version PDF de cet article, y incluant références et notes, cliquez sur ce lien: https://6950dc6e-be0c-4889-9a74-bfd6c0a76669.usrfiles.com/ugd/6950dc_c3aff8f1073a49f2857fa1b2a1c8244d.pdf
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