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Writer's picturePacific Ventury

Pourquoi pas … un monde sans une diversité simpliste?


Il y a quelques semaines, alors que je postulais à des offres d’emplois, j‘ai eu à remplir l’un de ces formulaires très froid, administratifs et minutieux, me demandant tant de détails techniques sur moi-même: âge, sexe…


Je pourrais en dire beaucoup (je l’ai d’ailleurs déjà partiellement fait lors d’un de mes précédents articles) sur tous ces processus de recrutement très inhumains, en sélectionnant des personnes comme vous sélectionneriez un tournevis (taille, type de vis…). Mais je ne vais pas m’étendre à nouveau sur le sujet.


 Je vais plutôt me concentrer sur un élément spécifique auquel je devais répondre dans ce formulaire. En effet, après mon âge et mon sexe/genre, il m’a été demandé de « décrire » ou « sélectionner » mon origine ethnique.


En réalité, le mot n’était pas ethnique mais « race » . Ce mot est pour moi terrible à prononcer.

 Pourtant, pour certains, il est encore un mot normal et d’usage très courant.


Chaque fois que je peux, je refuse toujours de répondre à cette question. 


Ne vous méprenez pas. En contestant ce processus, je ne rejete en aucun cas les processus et politiques publiques élaborées autour du principe de discrimination positive ou autour de la nécessité de mettre l' accent sur nos différences. J’en suis au contraire fervent supporter. 

"Mais il y a quelque chose d'intrinsèquement mauvais dans le fait de classifier les gens comme ça. Cela devrait et doit être fait différemment. "

Mais il y a quelque chose d'intrinsèquement mauvais dans le fait de classifier les gens comme ça. Cela devrait et doit être fait différemment. 


Pour être clair, il conviendrait que chacun dispose d’un champ libre pour définir sa propre identité. Personne ne devrait être forcé par une liste pré-définie. Il devrait au contraire y avoir un espace ouvert et la question devrait être: « quel est votre identité / attachement culturel? ”


Et pour ce qui concerne mon cas personnel, cela devrait être fait vraiment différemment. Le processus doit inclure tout le monde. Et je veux vraiment dire tout le monde.


Permettez-moi de vous fournir un peu le contexte et vous saisirez mon idée plus facilement:

Je suis née en France. Ainsi ... Je suis français? Point final? 


Où peut-être le problème me direz-vous?


Eh bien, en fait, la situation est plus complexe (et je dit bien complexe, pas compliqué) que cela. Je suis en fait né en Bretagne pour être précis.


La Bretagne est de culture celtique, d'une certaine manière plus proche culturellement de l'Irlande, de l'Écosse, du Pays de Galles …


Il est évident que j'ai été influencé par la culture locale: expressions, croyances et nourriture locales... Mais j'ai aussi été élevé dans la culture française: à l'école, en famille, entre amis ...

Puis, quand j'avais 12 ans mes parent, mes sœurs et moi avons déménagé à Tahiti où j’ai vécu plus de la moitié de ma vie.


Et enfin, récemment, j'ai eu le bonheur d'épouser une femme extraordinaire originaire du Pakistan. 

Alors laissez-moi compter: 1 (breton / celtique), 2 (français), 3 (tahitien), 4 (pakistanais). Disons même 5 si j'ajoute la culture globale dominante (principalement influencée par les Etats-Unis ou anglo-saxons) à laquelle nous sommes confrontés chaque jour.

"Je me considère donc comme le fils de 5 cultures: par naissance, amour, éducation et choix."

Je me considère donc comme le fils de 5 cultures: par naissance, amour, éducation et choix.

Mais quand j'ai dû remplir ce formulaire pour cette offre d’emploi, une seule option pouvait me «convenir» : « blanc » .  


En général, quand les gens me disent que je suis “blanc”, je leur dis que je suis en fait rose (il suffit que je porte un T-shirt blanc, vous verrez aisément la différence). Je le dis souvent sur le ton de l’humour mais en vérité je suis tout à fait sérieux à ce sujet.


Ce mot «blanc» m'a toujours dérangé car il m'a semblé qu'il servait à mettre dans le même sac un grand nombre de personnes qui pourraient se définir de façon plus précise et diverse.


J'ai donc décidé de faire des recherches pour comprendre les origines de ce concept. Parce que pour moi, il n’ya pas de Blancs: il y a des Bretons, des Basques, des Catalans, des Britanniques, des Écossais, des Wallons, des Allemands, des Magyars, … Et la liste est encore longue! Désolé pour ceux que je n’ai pas intégré dans cet inventaire.


Alors, pourquoi réunir toutes les personnes dans une catégorie alors que vous pouvez facilement et légitimement identifier des cultures et des langues aussi diverses dans l’aire géographique où ces soi-disant « Blancs » vivent? 



J'ai été étonné de constater qu'à un moment donné, les Irlandais et les Italiens n'étaient même pas considérés comme des Blancs! 


J'ai ensuite réalisé que «blanc» était en fait un concept politique, un outil puissant utilisé pour décrire et favoriser certains privilégiés d’une origine sociale spécifique en Europe, puis principalement aux États-Unis, et fait pour exclure ceux qui devaient être exclus pour éviter au final de partager les richesses.


Sur la base de cette dichotomie fondamentale et irréaliste, il était alors facile de construire des démagogies et de la propagande de tout type… dont le très célèbre « Nous et eux » .

 Mais au fil des décennies, grâce à la naissance et à la croissance de différents mouvements à travers le monde, la diversité a finalement été reconnue. Et cela apparaît clairement aujourd’hui notamment dans ce formulaire infâme que j’ai eu à remplir.


A côté de l’option “blanc” il y a en effet aujourd'hui tant d’autres possibilités. C’est juste beau à voir. Il est arrivé un point où je les enviais. Parce que je me suis aperçu que si les autres étaient autorisés à être qui ils sont, qui ils prétendent être, je ne pouvais pas. Je devais être mis dans une catégorie générale qui n'a pas de sens pour moi et qui n’a pas de sens en général.

"Je veux être capable de décrire ma propre identité, qui n’est pas ce concept vague qui considère quasiment tous ceux qui ont la peau claire comme identiques et… pire encore, qui n’ont pas de culture, pas de tradition, pas d’attachement à quoi que ce soit."

 Je veux être capable de décrire ma propre identité, qui n’est pas ce concept vague qui considère quasiment tous ceux qui ont la peau claire comme identiques et… pire encore, qui n’ont pas de culture, pas de tradition, pas d’attachement à quoi que ce soit.


Mais l’on pourrait me dire: “ok, mais c’est au final le challenge classique posé par la compréhension des différences par l’autre. Nous avons tous tendance à généraliser et ainsi à voir de façon réductrice, mais au moins dans votre propre communauté les gens sont au fait de cette diversité.


C’est bien là que le bât blesse. Ce n’est absolument pas le cas! Et mon propos ici n'est dès lors pas de cibler ceux qui critiquent, stigmatisent ou généralisent en utilisant le concept de « blanc » s'ils appartiennent eux-même à une culture différente (bien que je les encourage fortement à aller au-delà de ce biais fondamental et à en apprendre davantage sur les différentes cultures au sein de cette appellation fantasque).


Mon propos vise les personnes au sein de ce groupe “blanc” qui doivent rechercher leur identité de façon plus fine, plus subtile, en tirer des leçons et en être fièr·e au lieu de se dire simplement «blanches» sans aucune base quelconque hormis politique et simplement pour réaffirmer une pseudo-identité qui ne fait aucun sens!


Comment peut-il y avoir un mouvement « suprémaciste blanc » pour soutenir une identité qui n'a pas de réalité humaine?


Comment pouvez-vous prétendre appartenir à quelque chose qui sert seulement un agenda politique spécifique et ne définit pas qui vous êtes?


Ma revendication est aujourd'hui d'appeler à une réelle diversité. Un modèle qui inclura toutes les nuances de la culture et ne sera pas défini par la couleur de la peau mais par l'expérience, les traditions … . et un qui sera embrassé par tout le monde et pas seulement tout le monde sauf le « blanc » ! 


À ce stade, permettez-moi d' être parfaitement clair sur ma démarche: je ne suis pas ici pour nier le passé et, en supprimant la dichotomie binaire que nous connaissons, renier ce qui a été fait sur la base de cette division: colonialisme, disparition culturelle, exploitation… Ma démarche est pour aujourd’hui et les temps à venir.


Il convient en parallèle de continuer à faire ce qu’il faut (ou même en faire plus car il reste encore un long chemin à parcourir) pour créer une véritable égalité des droits entre les cultures, les identités et les gens et réparer les erreurs du passé. Mais nous devons aussi et dès à présent envisager l’avenir sous un nouvel angle, créer un nouveau système, un nouveau langage pour parler d’identité.


Nous pouvons construire un avenir vraiment diversifié. 


Comment peut-on faire ça?

"Il est important que les êtres humains se rappellent qu'ils ont des yeux pour voir clairement, nettement et tout en nuance de différences les identités qu'ils rencontrent."

Nous devons d’abord cesser de généraliser les choses. Dans un monde dominé par un système d’organisation binaire (bien/mal, 0/1, blanc/noir…) notamment par l'influence croissante des outils numériques et de l’AI, il est important que les êtres humains se rappellent qu'ils ont des yeux pour voir clairement, nettement et tout en nuance de différences les identités qu'ils rencontrent.


 Alors ne me classez pas comme “blanc”.


Ne me classez même pas comme “français”.


Ne me classez pas tout cours.


Venez,


Et échangez avec moi.


Demandez-moi comment je veux être défini, comment je veux que vous me reconnaissiez. Demandez-moi pourquoi et posez-moi des questions sur ma culture. Ne présupposez pas de façon simpliste à travers le filtre de la couleur de ma peau, la citoyenneté sur mon passeport ou tout autre filtre administratif étroit d'esprit. 


Et à ceux qui se définissent encore par « blanc »… Premièrement: arrêtez!


Deuxièmement: retournez à vos racines, découvrez votre culture d'origine. Renseignez-vous ensuite sur les cultures qui ont été ajoutées à votre identité de départ et tâchez de comprendre ce qui a changé en cours de route.


Cherchez d'où vient votre famille et comprenez que depuis lors, vous avez construit une nouvelle identité qui a ajouté une couche supplémentaire de culture. Vous avez été influencé, embelli, vous avez grandi plus profondément, de manière plus complexe et plus belle. 


Nous devons faire attention au langage que nous utilisons. Trop souvent , j'ai vu des personnes appartenant à une ou plusieurs cultures différentes en raison de la diversité de leurs origines parentales être qualifié “à moitié” ou à "demi”. Ces personnes ne sont en rien des moitiés d’identités collées l’une à l’autre dans un patchwork bizarre ou à l’image d’un hybride type Frankesntein! L’identité et la culture ne se divisent pas lorsqu’elles se mélangent. Ces personnes ont au contraire la chance d’avoir l’ensemble de ces cultures et de pouvoir utiliser la partie qui leur plaît et quand cela leur plaît pour développer une nouvelle identité, une nouvelle culture, qui reflète le monde d’aujourd’hui et jouer ainsi avec le spectre varié de leurs origines pour s’adapter à n’importe quelle situation. 

"Nous pouvons être un monde multiculturel si nous reconnaissons le fait que les individus peuvent être multiculturels et que ce n’est pas un handicap… c’est un talent!"

Nous pouvons être un monde multiculturel si nous reconnaissons le fait que les individus peuvent être multiculturels et que ce n’est pas un handicap… c’est un talent! La capacité d'appartenir non pas à une mais à plusieurs communautés en même temps. Les individus doivent être des ponts, des “machines” de compréhension et de rassemblement, des bâtisseurs de communautés dans un monde qui ne connaît pas (et ne devrait pas) connaître de frontières.


Je… suis… qui… je… veux… être. Vous n'avez pas à me classer pour me comprendre.


En fait , si vous le faites, vous ne serez plus en mesure de me comprendre. Parce que vous passerez à côté de ma complexité.


Si je ne peux pas ignorer le fait que toutes ces cultures m'ont influencé, alors vous ne pouvez me réduire mon identité à l' un de ces cultures sans quoi vous niez mon humanité. Vous décidez pour moi qui je dois être. Mais qui es-tu pour faire cela?


Alors cessons de voir le monde en noir et blanc. Le cinéma a bien accueilli les couleurs depuis des décennies! Et à l’heure du cinéma 4K voire 8K nous ne sommes toujours pas capables de voir la plus subtile nuance de différence entre les gens.


Alors apprenons à voir le monde en 8K et prenons le temps de décrire les gens comme qui ils sont vraiment et non comme nous voudrions qu’ils soient et cessons de faire dominer, la discrimination, le rejet et l’incompréhension...

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