“C’était mieux avant”… Celles et ceux qui ont grandit dans les années 1990 en France se souviennent sûrement de cette phrase, slogan associé à la marionette de Francis Cabrel aux “Guignols de l’Info” sur Canal+.
Ah les années 1990, c’était le bon vieux temps! De la bonne musique, une bonne ambiance… Et puis y’avait pas tous ces réseaux sociaux qui nous pourrissent la vie n’est-ce pas?… Vraiment?
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Je m’arrête tout de suite pour te dire que cet article n’est pas là pour vanter les mérites du passé. Il n’est pas là non plus pour vanter les mérites du futur. L’un comme l’autre ont des problèmes de perspective. Je crois qu’il faut (leur) en parler. Car en parler c’est déjà commencer à régler le problème, n’est-ce pas?
Pourtant, combien de fois entend-on ces discours qui nous rappellent qu’avant c’était mieux. Objectivement. Pour de vrai et pour tout un tas de choses et de raisons si ce n’est pour tout un point c’est tout. Oui mais tout, tout est fini entre nous et le passé! A quoi bon alors le regretter?
Et pourquoi les regrets d’ailleurs? Certains diront que c’est parce que c’était objectivement mieux… Ceux-là doivent attendre avec impatience une machine à remonter dans le temps!
J’ai, moi aussi, eu une période dans ma vie où je m’imaginais également qu’il devait être bien mieux de vivre dans les temps d’avants, que je me verrai mieux chevalier pourfendant les dragons (si, si ils ont existé jadis!) que dans l’époque actuelle. Vieux rêves d’un adolescent mal à l’aise dans sa peau.
Pourtant, si l’on en croit Obama:
“Maintenant est le meilleur moment pour être en vie”.
Comment peut-il dire cela?
Et d’ailleurs, ce “maintenant”, c’est quand? Pour toi cher lecteurs, c’est aujourd’hui. Pour nos ancêtres c’était avant, pour nos descendants ce sera après. Au final, comme je le mentionnais récemment, tout n’est qu’une question de point de vue mais mon point de vue est loin d’être le standard de perception…
A cela s’ajoute le fait que notre cerveau nous joue des tours dans ce domaine. Après tout, dans nos albums photos (papiers ou digitaux) nous ne gardons que les photos des bons moments. Il en va de même pour notre esprit qui ne se souviennent que de ces moments doux, ces moments bons, ces moments d’avants où la vie nous parait mieux… hormis certains traumatismes qui nous marquent au fer rouge de la mémoire. Presque tout le négatif s’en est donc allé au son des violons du passé.
La science appelle ça: le Bonheur synthétique. Kezako? E aha tera mea? Tout simplement la capacité pour notre cerveau de modifier notre histoire, ou la perception de notre histoire, pour en faire un souvenir positif. Un simulateur d’expérience mieux qu’un Playstation et une façon naturelle et plutôt plaisante d’absorber le choc de nos expériences difficiles.
Oui mais du coup, le passé n’en devient qu’un perpétuel bon souvenir; à peu de choses de près. Et le présent, lui, reste confronté au choc des difficultés du quotidien: payer les factures, regarder le journal télévisé et sa litanie perpétuelle de mauvaises nouvelles, regarder avant de traverser la route au risque de se faire écraser…
Si l’on en croit notre expérience immédiate, le présent est particulièrement pénible, difficile et stressant!
Du coup on se raccroche au passé, on en fait une référence. Le passé est la certitude de l’existé, le confort du déjà vu, le présent est la difficulté de l’expérience et le futur devient l’angoisse de l’inconnu, la peur d’un demain sans lendemain. Avec tout ça, comme le disait Douglas Adam on en vient à prendre le passé comme l’idéal à suivre:
“Quand vous naissez, le monde autour de vous est normal. Tout ce qui est inventé avant que vous n’ayez 35 ans est innovant. Tout ce qui est inventé après vos 35 ans n’est pas naturel et est mauvais.”
Cette tendance est dangereuse car elle crée une “paralysie du paradigme”: il est normal que le monde ait changé jusqu’à moi. Mais maintenant que je suis là il faut tout maintenir comme avant.
Prendre le passé comme référence plutôt que comme indicateur est dangereux. Car il le fait passer pour la seule, unique et valide possibilité. Oubliant qui plus est que le passé n’est fait que de la réalisation de certains scénarios, pas tous. Tous les événements passés ne sont en effet que la résultante des choix, actions et décisions faites par nous ou ceux d’avant à un moment T, dans un contexte C, avec une analyse A. Chacun de ces éléments aurait pu être différent et mener donc à un passé différent. Il y a donc énormément d’options qui sont passées à côté, qui ont manqué leur chance d’être imprimées dans l’Histoire et dont nous n’avons pas preuve de l’efficacité ni de la pertinence.
L'inverse est vrai pour le futur! Selon les lois désormais bien ancrée de John Dator sur le futur, celui-ci ne peut-être prédit car il n'existe pas. Il est en effet la résultant de nos actions, choix et décisions au présent qui créent un grand nombre de réactions en chaîne qui influencent et orientent ce qui va nous arriver demain, après-demain... Le Futur est donc par nature un potentiel d'incertitudes, un océan des possibles, un réservoir d'options en attente de validations. Et les choix individuels et collectifs, l'évolution des tendance du présent créent à chaque instant un nouveau futur. Et cette incertitude, cette inexistence du Futur est particulièrement stressante pour beaucoup d'entre nous.
Du coup, le Futur n'existant pas, il est difficile, voire dangereux, de vivre dans le Futur et de ne se baser que sur l'espoir d'une possibilité. Comme le dirait un ami: l'espoir n'est pas une stratégie. Et les conséquences de nos décisions du jour sont trop incertaines pour en prévoir un probable résultat. On peut anticiper ces résultats, les analyser et s'y préparer, mais on ne pourra jamais les prévoir. Du coup "être du bon côté de l'histoire" revient à répéter un non sens puisque ce n'est que rétrospectivement, que nos actions seront jugées.
En clair: ce que je fais à l'instant présent résonnera nécessairement dans le futur mais ne pourra être apprécié qu'au passé. La boucle est bouclée et l'on comprend pourquoi les polynésiens voit le temps d'une façon circulaire, le futur étant dans le passé...
Et avec cela vient la complexité des standards de notre temps. Car c'et à l'aune de ce que je vis aujourd'hui que j'analyse le monde. A partir de mon "point de vue".
Regardons donc maintenant notre approche du concept de ce qui est “normal” ou “naturel”. Notre référence de la normalité et du naturel s’accroche au passé, parce que certaine, parce que vécue donc “validée”. Tout ce qui vient après devient “a-normal” ou “non naturel”. Ce qui est normal aujourd’hui ne l’a pas toujours été et inversement.
Après tout, c’était normal d’avoir des esclaves, de battre ses enfants, de mourir jeune, de prendre l’autre pour un animal car il ne nous ressemblait pas… Nous avons depuis évolué sur ces points.
Prendre le passé comme référence c’est priver le futur d’imagination. Voyez plutôt:
La technologie n’existait pas avant, ce n’est pas naturel on ne doit pas l’utiliser
Les femmes ont toujours été à la maison, les femmes qui travaillent ce n’est pas naturel, on ne devrait pas l’accepter…
Le “on a toujours fait comme ça” pointe le bout de son nez et vient nous rappeler que nous avons cette fâcheuse tendance à nous accrocher au confort de la certitude du passé.
De la même façon, il fut un temps où les humains n’écrivaient pas. Ce n’était pas naturel d’écrire. De même pour le déplacement sur le dos d’un animal, ou sur un véhicule. De même pour les navigations inter-îles des peuples du Pacifique qui, à l'aide d'une technologie très avancée, ont traversé les mers pour bâtir de nouvelles civilisations, bien que l'humain soit "par nature" un être terrestre. Nous pourrions trouver des milliers d’exemples démontrant que ce qui n’était soi-disant pas naturel un jour l’est devenu le lendemain.
Alors qui fixe la limite? Et quand la fixe-t-on? Qui devient juge de la “naturalité” de nos objets, de nos attitudes, de nos mentalités, de nos outils? Quelle période devient la période de référence au-delà de laquelle ce qui arrive n’a plus sens ou légitimité?
Cela en vient parfois à se demander si nous sommes toujours partie prenante de la nature. Certains en arrivent à opposer nature à raison, comme si notre capacité à questionner, imaginer, rêver, construire serait un “OVNI” issu d’ailleurs que de cette planète.
L’humain est pourtant une composante de la nature. Un animal comme un autre bien qu’assez unique à de nombreux égards: Notre conscience de nous-mêmes nous pousse à réfléchir sur notre place, notre rôle et notre impact. Mais cette interrogation ne doit pas nous mener à considérer que notre place est hors-nature, ou que nos actions ne sont pas naturelles.
Ce questionnement est particulier et particulièrement intéressant. Mais il ne doit pas nous faire oublier que tout ce qui sort de notre esprit est naturel. Et que, du coup, il est peut-être naturel pour nous humains d’aller dans l’espace, de créer un monde digital… Qui saura prouver le contraire sans s’appuyer sur la certitude que “avant on ne le faisait pas!”
Certes nos actions ont un impact jusque là jamais atteint par une autre espèce. Et il y a des tas d’éléments dans notre monde qui semblent pas tout à fait logique et “naturel”. Mais attention à ne pas tomber dans une paralysie du paradigme quand, au final, notre seule perspective n’est pas suffisante pour avoir un jugement objectif sur la situation.
Alors quoi faire au final?
Se raccrocher au passé n’est clairement pas une solution. Le futur, de son côté, n’existe pas. Vivre dans le futur c’est vivre dans un rêve irréel. Etre dans le moment présent n’a aucun sens, celui-ci nous file dans les doigts dès qu’on le touche du bout des doigts.
Très certainement, la solution se trouve dans cet équilibre qui accompagne l’humain depuis des générations: se souvenir du passé pour en tirer les leçons, être bien ancré (ancré, pas enraciné!) dans notre expérience du moment pour ne pas en manquer les effets et conséquences, et garder la capacité de rêver sans peur à ce que nous allons créer demain dans cette course à la survie qui pousse chaque être vivant et peut-être l’univers tout entier à s’adapter, inventer, évoluer, changer.
Le temps est un concept, le changement une expérience, la vie une épreuve fascinante! Alors, au final, c’était mieux quand?
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